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EDITO

La Langue Riche

"Lorsque l’on porte longtemps en soi un grand récit afin de le dire en public, on enrichit nécessairement son vocabulaire de mots spécifiques au sujet. Pourtant, la richesse de langue d’un conteur puise à une autre source encore : celle de sa propre vie, de tout son vocabulaire acquis lors d’expériences personnelles.

La précision d’un mot est d’une très grande efficacité et participe à la beauté du récit. Certains épisodes qui sortent du quotidien gagnent à être contés avec les mots exacts : tel coup d’épée, tel geste marin, tel chant d’oiseau, tout a un nom. Quand on conte des aventures marines, des combats, des évolutions équestres, etc., les langues de métiers s’avèrent d’une aide considérable.

Le conteur doit savoir nommer. Mais utiliser le mot exact sans « jargonner » est un art. Le contraire serait de tomber dans la préciosité ou la pédanterie.

Il ne s’agit donc pas de « plaquer » un vocabulaire récemment appris. La vraie beauté de cette langue précise – et le public le sent ! - vient du fait que le conteur maitrise ces termes parce qu’il les connait d’ailleurs – par exemple, il a fait de la voile, de l’escrime, de l’ornithologie... Sur scène, ces mots lui viennent donc naturellement, sans avoir été prévus d’avance. Sinon il se mettrait à « parler comme un livre », ce qui serait d’un ridicule fini et tuerait l’art !

Le mot exact donne une tenue rythmique : facilitant une description, il dessine vigoureusement les images. On n’hésite plus, cherchant à expliquer ce qu’on veut dire en termes vagues et à grand renfort de gestes : le mot est là qui sert la chose, ça va vite.

Quand le conteur parvient à cette maitrise – d’utiliser librement tout le spectre de sa langue - il possède un art accompli. En s’écoutant les uns les autres, entre conteurs, on voit bien que ce travail est infini : l’un connait mille mots là où l’autre en a deux pauvres, et vice versa ! Quel émerveillement !"

Catherine Zarcate