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Edito avril 2014

La grâce et la pauvreté

Ce qui est parfois difficile dans notre art, c’est quand on ne retrouve pas la grâce qui a habité un Spectacle la fois précédente. C’est la fameuse « deuxième fois » qui n’est jamais bonne. Je crois que c’est l’attente même de la grâce qui l’empêche de venir. L’attente charge l’instant, l’alourdit. Comment pourrait-elle advenir, elle qui est si légère ? Son surgissement suit des lois cachées, j’en suis persuadée, et nous nous devons de rester humbles face à elle. Certes. Mais comme c’est difficile ! Comme c’est agaçant ! Comme la grâce semble alors capricieuse !

La Tampoura, mon instrument de musique si sage, me souffle que la grâce ressemble à son ultime harmonique : en premier, on accorde les cordes ; ensuite, avec un fil minuscule, on accorde les harmoniques ; alors naît d’elle-même une harmonique très aigüe, telle une étoile, qui indique à qui peut l’entendre que l’instrument est parfaitement accordé. « En premier échauffe ton corps, me souffle ma compagne musicale, ensuite affine ton énergie. Ainsi l’étoile pourra venir. Et si tu ne l’entends pas, fais d’abord silence en ton cœur et ton esprit ! ».

Bien sûr, nous avons à faire notre part : préparer notre terre, calmer notre esprit, nous rendre disponible. C’est une sorte d’ascèse que nous vivons en loge et durant l’échauffement qui précède la scène. Malgré ces efforts, la grâce, par définition, n’est pas automatique. Son absence nous invite à accepter notre humanité dans son imperfection, nos zones plus mornes ou sombres sans lesquelles la vie ne serait pas complète ni la grâce si éclatante.

Et si c’était là qu’elle nous attendait, justement, ces jours-là ? Dans l’acceptation de notre pauvreté ?

Catherine Zarcate