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Edito juillet/août 2014

Prendre soin du Vide

« Regarder autour de soi, réfléchir, se sentir en désaccord, se défendre, s’exprimer, s’affirmer, dire tranquillement qui on est, quel est notre but, notre rêve, et le rêve qu’on porte en son cœur pour les autres, pour ceux même pour qui on parle. Oui.

Dire que la création prend du temps. Dire notre manière de travailler. Expliquer qu’on a besoin d’aller marcher dans la forêt – ou dans la ville - pour ramener l’essence d’une parole qui touche, qui fait vibrer le cœur des gens, qui fait résonner quelque chose de fort et réel. Il faut du temps pour être véridique, sincère, profond, utile.

Ce temps d’une création qualifiée, belle, puissante, touchante, nécessitant un voyage intérieur, nous voulons le défendre. Oui. L’artiste travaille à toute heure. Le conteur vit avec le germe d’une parole à éclore.

Le temps de maturation d’une œuvre, oui. Sans lui, au lieu de rêver, concevoir et créer, il nous faudrait réagir et produire, produire encore... Nous défendons le temps pour s’abandonner, se donner, s’immerger pour laisser émerger. C’est un chemin qu’on parcourt, un processus par lequel on passe pour créer. Ensuite, tout ce chemin habite les mots, comme une mémoire cristallisée, et vibre. C’est la vérité. Le chemin de création est transmis au public dans le silence du récit.

Nous avons donc le droit de prendre le temps de créer car nous avons le devoir de transmettre une qualité.

Dans l’étonnant fracas du monde, on oublie trop l’apnée, la latence, la « dormance » - ce temps mystérieux qui transforme le grain en épi. Le temps des choses est un silence. Un vide. Un temps « chômé ». Sans apnée pas d’inspire. Que ferions-nous, haletants artistes effarés ? Qu’aurions nous d’inspirant à vous offrir ?

Ces jours-ci, où le temps de créer a été ignoré, j’aimerais rappeler ce proverbe lu sur un cadran solaire « le temps rejette ce qui a été fait sans lui. »

Catherine Zarcate