J’ai toujours aimé les carrefours, c’est là que l’on vient au monde : mon père, un jour, quitta la Drôme, ma mère l’Italie, je naquis au bord de l’eau, à La Seyne-sur-Mer, près d’un chantier naval.
J’ai su plus tard que l’un de mes grands-pères était un homme des bois. il détachait l’écorce des chênes, la portait aux tanneries pour le traitement des peaux, et revenait la soir la tête chargée de mystères et de chants d’oiseaux. L’autre était pêcheur. A l’aube, il relevait les filets calés la veille au bord de la nuit, et venait vendre sur le port des poissons d’argent et des éclats de soleil. Moi, j’étais enseignant, passionné de littérature. Pour le plaisir d’aller voir et de comprendre, j’ai rencontré aussi d’autres métiers. Surtout, chemin faisant, la poésie, la chanson, le théâtre ont jalonné discrètement mon parcours, poignée de routes vertes, grises ou bleues, parfois noires ; je prenais s’il le fallait des chemins de traverse...
Un jour de l’an 2000, je me suis retrouvé sur les sentiers du conte et des histoires qui se chantent et se racontent. Jacqueline GUILLEMIN, puis Michel HINDENOCH et Bruno DE LA SALLE m’ont fait signe à l’orée du bois ; je suis entré... Depuis, je marche, l’oreille aux aguets, dans la grande forêt des paroles, où le conteur se sert des mots comme un bavard. Mais c’est un bavard profond, capable de se taire ; le silence alors se partage avec le plaisir de l’histoire et parle en secret pour chacun.