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Edito

Droits d’auteurs

« Les conteurs sont devenus des auteurs. Adoptant une démarche d’artiste, ils s’expriment à travers leurs choix de récits, style, rythme, gestuelle, bref, leur art. Après un long travail, leurs œuvres sont le reflet de leur vision du monde. Elles sont donc signées, même si elles s’appuient - pour une part que chacun doit préciser - sur le domaine public.

Dans le droit français, les droits d’auteur protègent le style et non le fond. Ce sont donc ces styles, rythmes, et mises en mots du conteur qui sont protégés par un contrat d’édition ou une déclaration de spectacle à une société d’auteur. Lors des contrats, les conteurs ne cèdent évidemment pas aux éditeurs les « droits de représentation ». Un autre conteur n’a donc pas le droit de dire publiquement une œuvre publiée ou dite sur scène sans contrevenir à la loi.

Si on a aimé un conte d’un conteur professionnel et qu’on veuille le dire en public, mieux vaut revenir à sa source, au conte à partir de laquelle ce conteur a lui-même travaillé. Ceci correspond d’ailleurs aux usages du monde traditionnel où chaque conteur faisait sa propre version.

Quant au professionnel, il publie souvent ses contes dans l’intention de se faire mieux connaitre, élargir son public, rencontrer les publics adultes et enfants lors de salons du livre, bref, poursuivre son travail. Ses publications sont avant tout à visée d’usage privé et familial.

Une croyance trompeuse prétend qu’on serait dans le cadre d’une tradition orale où les contes passent de l’un à l’autre sans notion d’auteur. Mais cette position appartient à la transmission interne à une communauté traditionnelle. C’est là un cadre ancien et révolu, où tous les membres d’une communauté partageaient ses codes et où les contes étaient internes et connus de tous. Le conteur y était le plus souvent désigné par les autres, comme le meilleur pour les dire.

Nous sommes tous aujourd’hui des conteurs « autoproclamés » - et libres de l’être ! Nous connaissons l’inquiétude des questionnements sur nos légitimités - qui vont de paire avec cette liberté. Nos répertoires sont planétaires et non plus communautaires - malgré la forte inertie à inscrire toujours localement un conteur, alors qu’on pourrait mieux aujourd’hui le répertorier par d’autres critères.

Travaillés au cœur et au corps par les questions de mondialisation, de pont entre les cultures, de nécessité de nettoyer les archaïsmes, nous témoignons de nos réflexions et engagements dans nos paroles et nous les assumons : nous signons ! Peut-être, justement, le conte n’est-il devenu un art que depuis qu’un tel espace d’expression y est né, par ces questionnements même… »

Catherine Zarcate

Catherine Zarcate