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Edito

Parole de terre

« Nous autres, conteurs, avons tous beaucoup travaillé nos terres et nos rêves pour en tirer des spectacles. Nous avons beaucoup cultivé nos vies pour en offrir le meilleur aux autres. Nous avons espéré entrevoir des chemins qui sont bons à suivre et ouvert des routes fréquentables, et l’avons partagé. Nous avons visé la transformation des regards, nos mots ont essayé de dissoudre des cloisonnements, des fermetures, des rejets, des oublis ou des peurs ; d’ouvrir des possibles. Nous avons parfois visé l’union, la douceur, l’humilité de l’homme face à la beauté.

Nous avons poursuivi notre route d’artiste en suivant le chemin sinueux et pourtant direct que les contes eux-mêmes nous ont enseigné. A cause de cela nous avons en nous un certain sens du cheminement et une certaine foi en la vie. Nous savons que le sens peut surgir à l’improviste. Nous avons appris à l’apercevoir quand il nous fait signe, fugacement.

Notre marche sur la terre en est colorée. Nous ne sommes pas seulement des rêveurs. Nous savons ce que la terre a à donner. Nous sommes en contact avec ses grottes oubliées où dorment les récits du monde. Nous savons les réveiller et revenir vers nos contemporains en les leur présentant d’une manière qu’ils puissent les recevoir. Nos pas foulent encore la terre. Nos paroles ne sont pas « hors sol ».

Nos vies, nous sommes allés les explorer. Nous avons rencontré nos chagrins, nos blessures et nos deuils, nous avons fait notre « œuvre au noir » avec ces matières lourdes . Nous en avons extrait le trésor et cela nous donne le droit de parler. Nous sommes justifiés par notre engagement.

Nous nous levons sans réveil. Nous produisons sans patron. Nous remettons notre ouvrage sur l’établi sans autre critique que les nôtres. Nous travaillons durant des mois en silence et de manière autonome sans mesurer le temps passé. Notre concentration est profonde.

Notre sincérité est parfois douloureuse et fonde notre dignité. Notre courage est requis. Nous savons que nous travaillons pour les autres et qu’en même temps ce travail nous libère. Notre travail nous éclaire et nous partageons cette lanterne. »

Catherine Zarcate