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Edito

La Terre a besoin de nos mots

« Il est de notre responsabilité de conteurs de ne plus transmettre la peur de la forêt. Dans les contes merveilleux, ce lieu est celui où l’on se perd et donc où l’on rencontre ses propres ressources. C’est souvent le temps de l’ouverture au Merveilleux. Mais de nos jours, ce qui est premier, c’est de transmettre sa richesse, sa beauté, sa lumière, le fait qu’elle soit un lieu de vie extrêmement riche – enfin on espère que cela va durer un peu- et de tordre le cou à la peur ancestrale de la forêt.

Cette peur est nuisible et dépassée : il est maintenant rare de trouver une forêt où on n’entende aucun bruit de voiture ou d’avion ! Alors on ne se perd jamais très loin…

Il serait même bienvenu de transmettre une capacité d’écoute de la nature ainsi que la distance juste avec le monde sauvage. Ce ne serait pas du luxe. L’homme a pavé le sol partout. Le contact avec la terre est coupé.

Je propose de tordre le cou également au démon « Sécurité ». La nature ne peut pas être « sécurisée ». A force de couper l’accès aux mares et rivières pour les « sécuriser », quel enfant connait encore la couleur des yeux des grenouilles ?

Or les grenouilles aiment la compagnie et pas trop les barrières. Elles ont beaucoup à enseigner sur le monde de l’eau et ses profondeurs fertiles. L’eau « sale » est en réalité une eau riche de vie. Quel enfant y plonge encore les mains ?

Écouter tomber la nuit en forêt, le silence se faire. Sentir combien chacun de nos pas fait trop de bruit… Écouter la chaleur de la sieste, le sommeil écrasé des espères cachées à l’ombre des pierres et des pins. Ecouter le vent marin mugir au-delà de nos surfs. Aimer se taire…

La terre a besoin que les poètes, les conteurs, tous les artistes, réveillent chez tous le désir d’une telle terre, habitée par la multitude des espèces, indomptable, aux lois parfois implacables, au mystère qui nous enseigne la vie. Il faut qu’il y ait des gens pour donner les limites, dire « Non ! La terre n’est pas notre jardin ! Le monde sauvage a droit à sa part ! ».

Les conteurs ont été « urbains » pendant bien des années et le sont encore. Il faudrait maintenant une génération de conteurs « sauvages ».

Catherine Zarcate

Catherine Zarcate