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Question : pourquoi avez-vous choisi les 1001 Nuits ? Devenue spécialiste, multipliant les recherches, je mémorisais aisément les récits et entrais avec jubilation dans la démesure : le public redécouvrait l’art du conteur. Durant deux mois, je présentais à la Vieille Grille des soirées « à suivre », où j’égrainais les Nuits sans me répéter. On fit aussi les premières Nuis du Conte. Je me sentais tellement à l’aise dans ces univers, que j’aurais pu conter les Nuits toute ma vie ! Mais la fin de cette prodigieuse et truculente immersion vint pourtant : ma quête me mena vers les vieux fonds des grandes bibliothèques : le temps de Salomon était venu ! La deuxième circonstance fut qu’à l’époque, un énorme travail se développa en direction des populations issues de l’immigration maghrébine et je m’y engageai. Les Nuits furent notre terrain de rencontre privilégié, quelque chose de connu à la fois de tous les publics, milieux et continents et un territoire de l’interculturel dès le départ puisque Galland lui-même reçut plusieurs récits à l’oral par des conteurs maghrébins. J’étais donc à ma place, me sentant dans l’interculture par choix, naissance et éthique. Enfin, et c’est tout proche, la dernière circonstance fut que le conte débutait. Nous étions peu de professionnels. S’appuyer sur un titre hyper connu tout autant qu’inconnu dans son détail – car qui connait Zoumouroud ou Zaïf Al Moulouk ? – était une condition nécessaire à l’époque du renouveau du conte. Le message était clair et c’était important qu’il le soit. Tout cela tombait bien pour moi. On peut ajouter des choix artistiques : les qualités des récits, des univers et des rythmes m’ont séduite. Il y a dans ces récits un infini très important. L’infini des récits eux-mêmes, qui se succèdent et se renouvellent comme sans fin, ce qui est merveilleux pour un conteur. Le côté « roman » de ces contes qui ont toujours été plus littéraires que populaires ; le côté fleuri, où on peut parer les situations et personnages de mille adjectifs, où la faconde est permise, tout ceci me plaisait. J’avais à l’époque envie de cette abondance, de ces excès, de ces richesses, de ces lumières, j’étais attirée par l’interminable, l’intarissable. Très vite, je me suis attachée aux personnages de la cour d’Haroun Al Rachid. Certains récits persans ont attiré vivement mon attention. J’ai été profondément orientaliste, amoureuse des arabesques ! Question Deux : quels types de récits avez-vous choisi de raconter et pourquoi ? J’ai tout conté, depuis les anecdotes de cour d’Isaac de Mossoul ou d’Abou Nowas, les états d’âme d’Haroun Al Rachid, le soutien ambigu de Giafar Al Barmakide son vizir, tous récits qu’on conte dans les cafés et appelle les contes d’homme, jusqu’aux grandes aventures merveilleuses traditionnellement repérées comme les contes de femmes tels que Farizade au sourire de rose, Hassan al Basri, Kamaralzaman, Les deux vizirs et Hassan Badr el dine ; Marouf le Cordonnier, etc. J’ai été intriguée par les derviches comme Al Khridr, et les bédouins du désert et ai approfondi ces répertoires. J’ai ajouté les 1001 Jours, les 101 Nuits... Question 3 : Quelle est mon histoire préférée et pourquoi ? Dans les Nuits à strictement parler – car le Loukoum appartient aux 1001 jours ! – je dirai que mon conte préféré est la Reine des Serpents, tout de suite après le rêve du pauvre homme et enfin Marouf le Cordonnier. Je ne saurais quitter cet article sans ajouter que je n’ai pu quitter les Nuits sans leur rendre hommage en apportant ma pierre, sous la forme du roman/conte Le Prince des Apparences. Ce fut ma manière de remercier le grand livre pour tout ce qu’il m’avait apporté. LA GRANDE OREILLE, la revue des arts de la parole, a consacré son numéro 52 aux Contes des Mille et Une Nuits. |
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