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Au delà des personnages

Ne pas séparer les personnages. Quand on fait cela, pour soi-même, on risque de s’objectiver, ou d’objectiver des énergies en soi. Cela met comme « dehors » ce qui est dedans. Cela crée une disharmonie, des séparations, des catégories fausses, des isolements illusoires de parties de nous-mêmes qui n’existent que pour un temps. Les nommer est dangereux : cela crée des distinctions dans le vivant - qui est bien plus fluide qu’on ne le voudrait !
Ces entités passagères se mettent alors à prendre trop d’énergie dans notre attention, finissent par prétendre à une autonomie, se fixent de plus en plus, bref, se mettent à « exister » et nous emportent dans la dispersion.

Au contraire, resserrer dans le « conteur » les multiples énergies sans trop prendre garde aux personnages qu’il exprime, permet de les vivre et faire vivre, en les transcendant tous. Elles surgissent sur sa face, dans son geste, son corps, il n’a pas cherché à le faire, n’y prend pas plus garde que cela, n’en fait pas son art, et les laisse mourir dans la seconde même qui suit leur surgissement. Alors, il y a un « maître à bord » ! le conteur est ce pilote habile !

Il ne faut donc plus travailler en appuyant sur ce morcellement, mais bien plutôt travailler toujours et encore dans l’unité d’une conscience de plus en plus vaste.

L’homme porte en lui tout l’humain et tout le sensible du monde. Il porte en lui des mémoires sans durée. Il est ouvert dans son cœur à recevoir bien des lumières qui viennent d’avant son moment.
La joie doit être première. La joie de faire, de réussir, mais aussi de traverser. Traverser ses peurs, ses effrois, ses limitations, ses degrés d’ignorance, ses lucidités mordantes… la joie d’offrir peut être seconde.
Et puis il y a l’amour qu’on fait passer par sa présence, en lien avec son conte. Le récit est un réceptacle pour cela. Il dit et donne bien plus que l’on ne sait. Par notre chair même, il agrandit la vie de l’autre. Il sait dire ce que l’on cherche à dire. Le plus important est d’écouter cela, dans la joie de partager les chemins de la terre, l’imperfection étant vécue comme une tendresse à partager. Il faut bien se souvenir que l’erreur, l’incertitude est au cœur du vivant, et permet le mouvement. Les sciences de la terre savent cela.

Lorsqu’on fait de la joie le guide de sa route, cela crée une bonne direction de travail. La Joie est la conséquence d’une harmonie. Elle est globale, centrée, totale, unifiante, et… charmante ! Elle est un moteur suffisant. Et le plus juste de tous. Elle est sa propre justification.
On ne parle pas ici du plaisir, qui est immédiat et a des « raisons », des causes ou des buts, etc. et se trouve donc au même plan que ce qui le crée.
On parle de la joie, qui est une résultante, un surgissement, au plan du cœur. On ne choisit pas de « faire de la joie ». elle naît d’elle même quand tout est là pour cela. Elle est une harmonique, au plan supérieur.

L’humanité est si riche et si complexe, qu’en y entrant avec la pensée, on ne saisit que des ombres ! La soif de comprendre peut être stérilisante. Que l’artiste cherche la joie est déjà un courage suffisant !
Travailler dans cette direction permet d’affronter toutes les difficultés, les unes après les autres, au fur et à mesure. C’est ce qui permet de faire les choix. La joie est notre guide véritable, dans notre vie.
Ce qui cause la joie de chaque être est un mystère. La terre est riche ! ses fruits sont nombreux !

La joie nous accompagne toujours, parfois comme une direction, parfois comme un espoir, parfois comme un but visible, parfois comme une oasis vécue où se ressourcer avant de repartir.
La faisant notre « compagnon de voyage », notre « escorte divine », on sent le chemin, on voit mieux la route parcourue.

L’obligation de répondre à l’autre, à sa demande, nous tire parfois hors de nous-mêmes. Ceci est une adversité. La joie va nous dire que faire, comment traverser. D’y parvenir, on va soudain exister plus fort. _ L’autre, alors, nous voit chargé de plus de « réalité ». Et finalement accepte cela en place de l’illusion qu’il avait créé sur notre compte. Cette réussite crée certainement une joie profonde. Et parfois même une rencontre !
Guider la barque de notre vie d’artiste dans cette direction est un chemin d’épanouissement non seulement pour nous-mêmes, mais pour l’autre, qui nous écoute. Car la joie est une profonde puissance de vie.

Catherine ZARCATE
Février 06
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