Extraits



Géorgie
 Extrait du journal en Géorgie
 Une journée au Théâtre National RUSTAVELI à Tbilissi / Jeudi 20 septembre 2012
 « J’ai rendez vous avec Bella.
Bella c’est la gardienne du trésor. Trente ans à conserver, épousseter, aimer, embrasser oui embrasser tout ce que renferme le théâtre national de Tbilissi. Je l’ai vu poser délicatement ses lèvres sur une paire de bottes !
Les larmes aux yeux elle me dit :« Ce sont les bottes d’Hamlet ! »
Oui, je vous l’assure quand elle vous parle de Shakespeare, d’Alexandre Akhmetali,
le directeur du théâtre dans les années trente et fusillé en 1937, elle a des trémolos dans la voix.
Avec elle, je voyage. Je monte, je descends, je la suis …. des sous-sols au grenier elle ouvre la boîte à trésors.
Et elle raconte toute l’histoire de la maison et de ses habitants. Elle raconte le meilleur comme le pire, comment des artistes, des créateurs ont été fusillés, déportés parce qu’ils revendiquaient la liberté avec un grand L !
Bella c’est avec la main sur son cœur qu’elle parle de théâtre, et en français s’il vous plaît, parce qu’elle aime aussi Molière. En fait elle les aime tous ! Et quand elle me laisse au milieu du grand plateau avec une douche lumière au-dessus de moi, j’ai de nouveau quinze ans et je me souviens du jour, où en visitant la Comédie Française, en fermant les yeux, il me semblait entendre des voix.
Oui avec Bella à mes côtés ce jeudi là, ils étaient encore là. »
  Guylaine KASZA, le 21 septembre 2012

<img1311|right>Liban
« …Tu pars au Liban ? C’est dangereux, il y a la guerre ! Mais que vas tu y faire ? »
« La guerre c’était en 2006 ! J’ai rendez-vous. Je rends visite à un ami cher. »
Chez l’ami, il y a toujours une tasse de café prête à être servie. Il y a toujours quelqu’un avec qui le boire…On parle arabe, français…anglais…de la terrasse on entend la radio et Fairouz qui chante. Et on attend ! Le coup de téléphone du Canada…de France…
du Qatar, le cousin qui arrive de…
Un ami de l’ami me dit un jour :
« Etrange le Liban est l’endroit de tous les départs. Les Libanais s’exilent. Ils sont partout dans le monde sauf ici, dans leurs maisons ! »
Au début de l’histoire le Liban s’est appelé la Phénicie, le pays du Phénix.
Phénix, l’oiseau qui renaît de ses cendres.
En passant de cuisine en cuisine, de bras en bras, j’en ai rencontré beaucoup de Phénix !

Togo
De mer en lagune, de palmeraies en champs de manioc, de café et plantations
de cacao, la route rouge….De Lomé, la capitale de ce tout petit pays, à la région
des plateaux, de taxi moto en taxi moto, je voyage. Sur le bord de la route…rouge,
des étales d’ananas …C’est bon ! Sur le bord de la route des gamins et des femmes vendent de l’essence dans des bouteilles…. C’est explosif ! Parfois, trop souvent,
les vendeurs risquent leur vie.
Je suis venue pour raconter. Raconter à la faveur de la nuit autour du cercle.
Depuis toujours, ici, les hommes et les dieux se retrouvent autour du feu. La tradition reste vivante. Dans chaque village, le tintement des gongs, les tambours rappellent avec insistance l’importance ici aussi de la musique. Musique ? Je crois reconnaître celle jouée au Brésil. Pas étonnant des femmes et des hommes enchaînés ont été embarqués sur des bateaux négriers… direction le Brésil.
Dans le cercle se sont d’abord les hommes qui prennent la parole, puis l’invitée que
je suis et dans le deuxième cercle, assises sur le bord, les femmes. Certaines n’ont pas la langue de leur poche. Contes et proverbes pour dire ce qu’elles ont à dire ! Et puis il y a les dieux. Malgré la présence des évangélistes, prédicateurs, les vôdouns (vodous au Brésil, Antilles) togolais règnent. On leur fait appel pour les moissons abondantes, les maladies, les femmes en mal d’amour, un mari, pour avoir
des enfants…
J’ai suivi un sculpteur sur bois jusqu’à son village. Il fournit les autels familiaux
et celui des féticheurs alentours. Parmi le panthéon, je croise le regard
d’une magnifique sirène. C’est la déesse de la mer, la mère de l’eau !
Elle s’appelle Mami Wata.

De l’autre côté de la Méditerranée…
Les contes, la poésie, la Petite Fabrique de Mots sont dans les bagages ! Six mois intenses, six mois de chantier pour un formidable projet où artistes, élèves, corps enseignant … et le public se retrouvent autour du dire et de l’imaginaire.
Invitée par les lycées et écoles françaises à l’étranger et la compagnie théâtrale « Le temps de vivre », j ai dirigé des ateliers de pratique artistique, mise en espace
les contes adaptés et écris par les élèves et proposer des Spectacles dans le cadre d’un festival commun aux établissements scolaires de Tunis, du Caire et de Tripoli : Voyages !
Suivez le guide…tout à fait personnel !
Aéroport Tunis- Carthage
Je suis attendue. Après avoir passé le barrage de la douane, reconnaissant celui qui vient me chercher, je brandis bien haut le journal que je tiens à la main
pour attirer son attention et exprimer la joie d’être là. Il me fait un signe d’être plus discrète… en prenant mon bras …par ici la sortie.
En Tunisie, le Canard enchaîné que je tiens à la main est banni, interdit ainsi que Charlie hebdo ! Je fais profil bas. J’avais oublié qu’ici la liberté de la presse est réprimée et que « Reporters sans frontières » exprime régulièrement ses inquiétudes quant à la sécurité de journalistes emprisonnés…
Pendant ce temps là : « la Tunisie un pays sur mesure pour les touristes », affichent les tours opérateurs !
La voiture roule…
Aujourd’hui Carthage est une des banlieues pour riches. Belles villas et résidences officielles s’y côtoient. Difficile de voir dans ces banlieusards fortunés les « enfants de Didon » ! Didon, princesse phénicienne, femme intelligente, femme sage, femme libre qui par un stratège réussit à établir son royaume sur les terres d’un roitelet voisin qui pensait la mettre sous cloche et à sa botte ! D’après la légende, celui-ci lui offrit un terrain aussi grand qu’une peau de bœuf. La reine plus maligne fait couper une peau de bœuf en lanières très fines et trace les contours de Carthage !
Je rêve …. Un effort d’imagination et le tour est joué….Les ruines dominent la Grande bleue et c’est tout simplement beau. L œil se réjouit, le cœur bat plus vite
et la langue se délie….
Evocations :
« C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. Les soldats qu’il avait commandés en Sicile se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la bataille d’Eryx, et comme le maître était absent et qu’ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté. Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu’à des masses de verdure, où des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers ; des vignes, chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins ; un champ de roses s’épanouissait sous des platanes ; de place en place sur des gazons, se balançaient des lis ; un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l’avenue des cyprès faisait d’un bout à l’autre comme une double colonnade d’obélisques verts… ». Salammbô, Gustave Flaubert.
La Tunisie c’est cela aussi… Et bien d’autres endroits font bondir le cœur. Et les gens ? Les gens d’ici, mon ami, et bien ils sont comme on les imagine souvent de l’autre côté de la Méditerranée et tant pis pour les images d’Epinal !
Moi, je n’ai rencontré que bienveillance et bonne humeur

<img5582|right>Le Caire
D’Oum Kalthoum à Naguib Mahfouz, la ville du Caire…
Je les ai toujours préférés au meilleur des guides touristiques : les mots et les notes pour boussole, voilà ma devise !
Je n’aime pas non plus les plans, ils rendent sourds et muets. J’ai toujours préféré demander mon chemin et découvrir ainsi l’insoupçonné au gré des rencontres.
Rêvée, imaginée, fantasmée… comme l’aimé(e) attendu(e) !
Descente dans le vertigineux où s’abolissent les frontières entre le rêve et la réalité, la folie et la sagesse.
Je suis arrivée un jour au Caire. C’était au petit matin. Laissez moi vous raconter le Caire, le mien… Le Caire que je ne prétends pas connaître…
Le Caire que je ne prétends pas être la seule à aimer. Le Caire, qui dès les premiers regards échangés, les premières odeurs reniflées a fait de moi sa nouvelle conquête !
Evidemment ça grouille de partout .Traverser une rue, un boulevard comporte un risque certain… de se retrouver la tête d’un côté et les jambes de l’autre ! Expérience à éviter à tout prix, aussi j’ai adopté une technique efficace : je m’accroche au bras d’un gaillard qui dans un premier temps, surpris me jette un œil rond puis se laisse faire, fier comme un Artaban local d’aider une pauvre femme dans l’embarras.
Un jour mon aide se trouve être un jeune livreur de pain. Il tient en équilibre sur une de ses épaules un claie chargée de pains tout juste sortis du four. Ils sont ronds, gonflés encore tièdes, appétissants. Ayant traversés avec succès, je lui demande de me vendre un de ses pains et contre toute attente il me l’offre J’insiste pour le payer, il me fait une révérence, un salut de la main et s’éloigne en riant ! Sur le même trottoir, un barbier est en train de faire du thé. Me voilà bientôt assise Sur une caisse en bois, un verre à la main et dans l’autre le pain.
Nous sommes au mois de mai. Un mois auparavant des émeutes avaient éclaté dues à l’inflation du pain !
Le pain est la base de l’alimentation en Egypte et quand son prix est menacé c’est les trois- quarts de la population qui se demande de quoi sera fait demain ! Par contre, jack pot pour la compagnie US Wheat, le plus gros exportateur de farine américaine au Moyen Orient ! En ce mois d’avril, la compagnie a battu tous les records et est largement bénéficiaire.

Impossible d’être au Caire sans rendre visite à Toutankhamon… Quand j’arrive dans les galeries du musée du Caire, le choc ! La beauté me saute à la figure et me voilà désemparée, debout, ne pouvant retenir mes larmes d’avoir sous les yeux, à portée de main ce dont j’ai rêvé depuis si longtemps. Ce dont j’ai rêvé d’approcher depuis le jour où enfant j’avais reçu en cadeau un de ces innombrables livres sur l’Egypte.
Je pourrais encore raconter le Café de la Liberté, fréquenté par des hommes, des fumeurs de chichas, des joueurs de dominos et l’odeur du café à la cardamome… La belle Rime et son amoureux, cette fin d’après midi dans l’atelier du peintre, un vieux cairote, avec qui nous avons partagé un repas digne d’un roi dans son atelier de peintre.
Je pourrais encore raconter….

Et au bout du conte...Je vois, j’écoute, j’observe, je parle, je cause... Vous l’aurez compris, vous qui me lisez : AMOUREUSE DE LA VIE, DES DIEUX ET DES VIVANTS RIME AVEC CONTEUSE !


Site mis à jour, le 29 septembre 2016, par Guylaine Kasza - Site créé, hébergé et référencé par Provence Infos, Webmestre du site www.mondoral.org